Il fait beau, c’est le seul jour de la semaine où le soleil a décidé de se pointer. C’est une bière à la main qu’avec mon brun nous profitons de la pelouse bondée des bords de la Garonne. Le soleil commence à me dorer la peau, une légère brise souffle dans mes cheveux, la bière fraîche coule dans ma gorge …
« Brune il faut que je te dise quelque chose, c’est la dernière fois que je vais te le dire mais il faut que tu m’écoutes »
Je me redresse gentiment sur un coude et balance mes cheveux en arrière en avalant une nouvelle gorgée de bière. Je lui fais signe de continuer.
« Tu vas avoir 27 ans et tu t’encroûtes dans une situation sans espoir. Il faut que tu réagisses ! Après il sera trop tard et les petites jeunettes de 20 ans vont prendre ta place »
La bière reste coincée entre mes dents après avoir tenté de passer par mes narines.
Lorsque l’on cherche passivement un boulot, on se demande souvent « mais qu’est-ce que j’aimerais faire en fait jusqu’à mes 60 ans? ». C’est vrai, on n’est pas tous nés avec une vocation. Lorsque j’étais à l’école primaire, chaque début d’année on nous posait la même question sur la fiche de présentation : métier envisagé ? « Euh je viens à peine d’arrêter de jouer à la Barbie là, alors laisse-moi grandir en paix ... »
Chaque année j’écrivais un métier différent selon la mode chez les jeunes filles de mon âge : puéricultrice en CM1 à cause des bébés en plastique nourris au biberon artificiel, dessinatrice en CM2 suite au succès remporté à la majorité de mains levées lors du concours de la classe et photographe en 6ème en vue de remplacer un jour, celui qui nous sort les croutes de photo de groupe qui te suivent toute ta vie.
C’est par manque de vocation que j’ai choisi mes études.
Ce qui fait que je suis aujourd’hui aussi diplômée que non qualifiée.
Alors lorsque l’on arrive à l’âge de 27 ans et que l’on rentre tous les soirs en pestant contre son petit boulot du moment, forcément on finit par se heurter à son brun qui nous dit : « arrête de râler et demande-toi ce que tu veux vraiment faire. Et surtout fais-le !».
Je viens à peine de sortir de ma journée de boulot. Laisse-moi terminer ma bière en paix.
Là seule réponse que je trouve à ce débat est qu’au fond il est facile de se conforter dans sa situation, en ne se frottant à l’échec que de loin, sans prendre les risques qui nous mèneraient à un échec cuisant ou à une situation plaisante.
Je n’ai jamais su dans quel métier je voudrais passer plus de 12 mois, ni dans quel métier je pourrais proposer plus que ce que l’on me demande. Mais par contre je sais ce que je ne veux pas faire : un métier que n’importe qui pourrait faire.
Et le brun de rétorquer « tu ne trouveras jamais une annonce où il sera écrit cherche uniquement Brune pour faire ce boulot ».
Et pourquoi pas tiens !
J’avale une nouvelle gorgée de bière et relève la tête vers l’avenir.
C’est sur qu’à ce stade là de la réflexion je vais rester vendeuse longtemps.
… Ou finir alcoolique.